Il a 19 années mais déjà le fusil à l'épaule
Il a à peine fleureté avec la vie
Que déjà la mort le frôle
Il s'appel Harry

Un trognon de pain nourri sa journée boueuse
Quand le sifflet mortuaire sonne le glas
Le repas est annoncé et on appel la faucheuse
Qui l'estomac lourd ne se précipite pas

Le soleil attristé se cache derrière les nuages
Le vent même ne souffle plus sur les plaines
La nature fuit, à quoi bon pousser sur cette rouge page
Où ne coulent que le feu, des corps et des peines

Il prend son pétoire à deux mains
A défaut de courage
Et court vers ce sanglant destin
Défiant les mirages

Il crie
Sa peur
Et oublie
Ses pleurs

Jusqu'à ce Boche que le temps arrête
Il voit dans ces yeux une femme en larme
Un sentier frais dans une Forêt Noire en fête
Il vise la tête mais ne peut actionner son arme
Et la mort déjà caresse la germaine gâchette
Il tire deux fois, suspendant au temps son âme

Le frère ennemi s'écroule
Pantin en costume gris
Les épaules par lesquels s'écoulent
Deux ruisseaux de vie

Il avait 111 années mais encore la mémoire à l'épaule
Il avait à peine fleureté avec la vie
Et connaissait trop bien cette mort qui frôle
Il s'appelait Harry.

*

Et je n'oublierais pas
La guerre qu'il a accompli
Et haïs jusqu'à son trépas

(En mémoire d'Harry Patch, dernier combattant ayant vécu les horreurs des tranchées de la Première Guerre mondiale)