C'était un vrai ricain, montre en or et tout ça. La gueule tellement carrée qu'on s'y couperait aux coins. Et puis il accoudait chacun de ses petits gestes à ce trône de fumée que lui glissait sous le cul sa conviction d'avoir pris le monde dans le chewing-gum
de son accent.
Vous le trouverez, voyez-vous, au 8ème étage du Radisson blue. C'est qu'il a ses entrée; un genre de king of the night avec au bout des ongles toute la musique dont la ville gave les étoiles. Il est bien froid aux doigts, ce verre de Mojito qu'il vous paiera. Vous sentirez, quand il vous parlera de sa grande voix grave que le sourire qu'il vous balance est au-dessus de vos moyens, et vous entendrez tinter l'or jusque
dans ses jurons.
"Fôckin' Hell !"
Et ce type, ce type-là, détestable jusqu'au bout de l'I-phone, qu'on voudrait étendre sur l'autel universel, offert à la gifle sacrificielle qu'appellent toutes les joues de tous les connards flambeurs de la terre, ce type, je l'aime comme un frère.
Je l'ai aimé pour une larme, plus forte et plus étourdissante encore que le verre de gin dans lequel elle est tombée ce soir-là.
Et s'il est vrai (oh, et comme c'est vrai !) qu'il y a moins de charme à contempler une superbe femme nue, qu'à la voir se déshabiller devant vous, il est vrai que l'âme nue est touchante; et bouleversante celle qu'on dévoile haillon après haillon. Et vous l'auriez vu ce soir-là, cet homme-là, ce cri-là ! Tout débarrassé de son style encombrant, les yeux rougis, la voix grésillante et s'éteignant sur un "je l'aime" sans espoir, effondré dans mes bras, moi qui le connaissais à peine, et disant de ces mots qui me font encore mal au ventre !
Oh oui, vous l'auriez vu, vous auriez vous aussi laissé à bas votre mépris bien dressé. Vous l'auriez vu, vous l'aimeriez comme moi.