T'en va donc pas pleurer,
Mamie,
C'est sûr que c'est pas gai,
Ça oui…

Mais tu connais ton homme, il a toujours été
Un peu naïf, un peu rêveur,
Un peu grand' gueule, un peu frimeur,
Plein de rêv's étouffés sous leur éternité.

Y'a son passé entier qui vibre dans ses yeux,
Y'a le refus de notre temps
Qui berce son verbe d'antan.
Pis il a cette façon d'êt' ancien sans êt' vieux.

Et il le dit lui-même,
Mamie,
Plus fait pour ce mond' blême,
Ça oui…

L'a jamais digéré mes étud's de commerce
Et quand j'y parle d'êt' patron,
Au fond de ses yeux furibonds,
Y'a ce marais d'mépris, tout vert, qui se déverse

Lui qu'a usé son bleu à épuiser ses chefs,
Qui f'ra durer mai 68
Jusqu'à sa mort et même ensuite,
Pouvait pas comprend' ça dans sa tête de grand… Bref !

On aurait pu l'prévoir,
Mamie,
Eviter tout' cet' foire,
Ça oui…

Pourquoi on l'a traîné dans cet' cérémonie
Qui met mon diplôme à l'honneur ?
Il a suffi que l'directeur
Fasse un joli discours sur l'av'nir du pays,

Sur les vertus des chefs dont notre écol' regorge
Pour que papy s'lève de son siège
Et prenne son air sacrilège
Gueulant "Ni dieu ni maître !" à s'en r'cracher la gorge !

Et keske j'avais honte,
Mamie,
Oh putain j'avais honte,
Ça oui…
 
Y s'ra bien mieux là-bas, ça a l'air très douillet.
C'est une jolie résidence,
Il y sera comme en vacances :
Traité comme un pacha, soigné, gâté, choyé !

Ne m'regard' pas comm' ça, c'est quand mêm' pas ma faute
Mamie, tu sais bien qu'ça s'fait pas
Qu'ça s'fait plus ce genr' de chos's là.
Il vit avec son temps, mais c'est çui d'personne d'aut'…

T'en va donc pas pleurer,
Mamie,
C'est sûr que c'est pas gai,
Ça oui…