Les bureaux et l'armée
L'Administration
Et la Grande Muette.
Gags de l'escadron,
Humeurs des ronds-de-cuir.
C'était ses sujets
De prédilection.
Les Institutions,
Dès le premier jet,
Il les brocardait
Avec délectation.

Un bien drôle d'oiseau,
Ce Georges Moinaux,
Qui, pour publier
Ses nombreux bons mots,
Rédiger en brèves,
Courtes ou longues lignes,
Prit comme nom de plume :
Georges Courteline.

Que de cocasserie
Chez Van Der Hogen,
Fonctionnaire brouillon
Au désordre sans nom
Où tout s'éparpille,
Qui paume trois dossiers
Dans les escaliers.
Je me reconnais
Dans ce tordant portrait.

Que de vitriol
Pour Monsieur Sainthomme,
Crétin vaniteux
Guignant la rosette,
N'ayant dans les yeux
Que la gloriolette.

Et que de tendresse
Pour ce capitaine
Pétri de faiblesses
Que Raimu incarna,
Aimant tous ses soldats
Comme un bon vieux grand-père,
Ne voulant surtout pas
Qu'on leur fasse misère.

Ou pour les réservistes
Revenus à l'armée
Pour un mois plutôt triste
De tirs et de corvées,
Qui se demandent bien
Ce qu'ils viennent refoutre
Chez les miliciens
Sans pouvoir passer outre.

Sacré Courteline,
Sa plume était maligne,
Subtil était son art.
Vers la fin de sa vie,
Comme à Sarah Bernhardt,
Lui manquait une jambe,
Mais jamais son esprit
N'a lâché la rampe.

Tous ces chers visages,
Ces beaux personnages
Le cap'taine Hurluret
Et ses bonnes troupes,
Le gâtisme distrait
Du vieux Monsieur Soupe,
Ces travers et ces traits
Encore aujourd'hui
Font rire à pleine gorge
Grâce à un certain Georges
Qui persiste et signe :
Georges Courteline.