Maître Corbeau comme à l'accoutumée
Picorait maints fromages en son arbre perché
Maître Renard tenaillé par la faim
Quémanda à l'oiseau un peu de son festin
« Hé quoi ? répliqua le corbeau
Prenant soin de tenir son repas de la patte
N'est ce point celui là qui quelques temps plus tôt
N'a fait qu'une bouchée de ma Tome Auvergnate ?
Pourquoi aller quérir ta pitance chez l'ennemi ?
Celle là même qui te serais offerte chez tes proches »
« C'est qu'aucun n'est aussi bon que toi mon ami! »
« Garde tes belles flatteries au fond de ta sacoche !
La leçon est saisie, l'on ne m'y prendra plus
Réclame donc à ce bouc qui est dans le talus »
« C'est déjà fait mais la bête n'est d'accord
Que pour me piquer, pauvre Renard, de ses cornes »
« L'ingrat, affirma l'autre, me laissa dans le puits
D'où grâce à mon aide, très vite il se sauva »
« Moi aussi ! Dit un loup que le bruit attira
Il m'est arrivé aventure avec lui
Par les Dieux je jure que ce n'est qu'infamie
Si ce scélérat possède encore la vie ! »
Maître renard feignit une intense peine
Aidé par le bon appétit qui l'amène
« Allons bon mes amis vous ne savez ce que vous dîtes
Il devait faire bien sombre lorsque vint l'heure maudite
Où vous fûtes les martyrs de votre scélérat
Qui fit preuve de malice et que vous prirent pour moi»
« Vil Renard cesse donc tes basses tromperies
Dit le volatile dont nous avons tous rit
Je n'ai pas connaissance d'animal en ce bois
Qui un jour ou un autre ne fut victime de toi
Tu es seul à présent, ne t'en prend qu'à toi-même
Mais à ton tour retient cela tout de même :
«Ceux qui sermonnent au prétexte d'être malin
Tous ceux qui comme toi se jouent de leurs voisins
Renards s'ils sont dans le plus grand besoin
Nous les écouterons avec soins c'est certain
Ils peuvent être fiers d'eux la leçon est passée
Maintenant on leur fermera la porte au nez ! »