Bon, j'vais quand même montrer, malgré les soucis de connexion qui m'ont interdit d'passer ici pendant près de deux semaines, un peu ce que je sais faire dans le textable. J'écris pas qu'en vers, et j'espère que ma prose a au moins un peu de valeur émouvante aux yeux d'éventuels lecteurs.
Bonne lecture !
(nota : ceci étant une nouvelle, elle est plus longue qu'un "court" et "simple" poème)

C'était l'histoire d'un homme très riche et très heureux. Il était heureux parce qu'il ne manquait de rien : toutes ses envies, il avait assez d'argent pour les combler; tous ses besoins, il avait assez d'amour pour ne pas s'en inquiéter.
Cet amour dont nous parlons est celui d'une petite fille : sept ans. Adorable en tout point. C'était la créature la plus douce de la planète, la plus adorable, et quiconque posait ses yeux sur elle, même l'homme au cœur le plus froid de la planète, s'émouvait, s'emportait d'admiration et d'attendrissement pour la créature. Elle le savait, et pourtant, elle profitait peu des gens, parce que ses propres attentes, l'homme très riche les comblait toutes.
Il n'était pas son père. On ne savait pas qui c'était, son vrai père, et personne ne connaissait sa mère non plus. Mais la petite fille n'avait plus besoin de parents : ils servent aux enfants pour répondre à leurs besoins naturels et à leurs besoins humains -qui est unique : il suffit d'être aimé, d'être aimé plus que tout, pour ne plus avoir besoin d'autre chose. Et l'homme l'aimait plus qu'elle ne le demandait, mais l'amour est bien la seule chose pour lequel le mot "trop" n'existe pas.
C'était la nuit de Noël; nous pensons que de belles choses arrivent ces nuits-là pour les gens entourés, qui aiment et qui sont aimés. C'est ce qui fait les gens gris en cette soirée : ceux qui n'ont personne pour leur sourire affectueusement.
- Qu'est-ce que tu fais ? demanda l'enfante, de cette voix de miel qui engendrait la joie dans toutes les oreilles. Comme les pucelles sont merveilleuses !
- Je regarde la neige, ma chérie, répondit-il.
- Oui, mais tu la regardes tristement...
La petite était aimée et écoutée; par conséquent, elle parlait beaucoup, et par conséquent, elle apprenait et réfléchissait tout autant. Elle était très intelligente et vive d'esprit.
- Tu as deviné, chuchota-t-il, souriant toujours.
- Qu'est-ce qui te rend triste ? gémit-elle -parce qu'elle connaissait déjà cette tendresse qui fait que ceux auxquels on tient souffrent moins que nous quand ils souffrent.
- Ne t'inquiète pas, ma chérie. Ce n'est pas une tristesse malheureuse. C'est un souvenir de mon malheur, et le malheur reste triste même quand on ne fait qu'y penser.
- Tu as connu du malheur ? demanda, ingénument, la petite.
- Bien sûr. Toi aussi, tu en connaîtras, du malheur. Mais il faut vivre avec; il faut que ce qui nous a fait mal ne soit plus que du passé; qu'on se rappelle ce qui nous a fait mal et qu'on sache pourquoi. Parce que la mélancolie ne dure qu'un temps.
- Raconte-moi... susurra-t-elle.
- Tu es sûre ?... bon, d'accord.
Alors la petite se mit sur ses genoux, et il s'assit devant le merveilleux sapin, qui était éclairé de ces belles guirlandes vertes, de boules rougeoyantes et réfléchissantes, de cheveux d'ange et de mille choses qui le faisaient paraître plus splendide qu'un bijou.

Voici l'histoire de cet homme.
L'homme était un homme triste. Il était triste sans arrêt. L'homme était tout seul; il n'avait personne à qui dire qu'il était triste, et ça le rendait encore plus triste. Le pire, c'est que s'il était si triste, c'est parce qu'il était seul, justement.
Noël arrivait. Minuit allait sonner bientôt. L'homme regarda sa montre avec dédain, méprisant de reconnaître le caractère festif et qui devait réjouir de l'occasion quand, lui, il ne pouvait qu'y ressasser mille mémoires heureuses; et l'ancien bonheur rend parfois plus mélancolique qu'un ancien malheur.
Il allait sombrer dans sa nouvelle tartine, quand un fracas retentit dans sa salle de bain. Il s'y précipita, se cogna le petit orteil, jura, reprit sa course, et tomba nez à nez avec un renne. Ne comprenant pas, il mit quelques secondes à apercevoir le petit bonhomme rouge qui, derrière, se relevait aussi vite qu'il le pouvait, détachait le renne blessé et "inutilisable", et fuyait avec son traîneau et ses autres rennes.
Le Père Noël venait de fuir devant les yeux de l'homme; il venait de partir en abandonnant ici son renne. Blessé, d'ailleurs. L'homme marcha sur une bouteille d'alcool -qui lui fit comprendre que le vieillard avait conduit en état d'ébriété, et la pensée l'eût fait rire s'il ne fut tombé sur le dos à cause de la bouteille.
Se relevant douloureusement, il regarda l'état de sa salle de bain : elle était saccagée. Il se tourna alors vers le renne, qui respirait difficilement. Son museau était légèrement ensanglanté, et sa patte arrière avait un angle très étrange, peu rassurant.
L'homme le fixa quelques minutes, abasourdi par la scène alors qu'il avait depuis longtemps arrêté de croire au Père Noël, sans bouger, sans qu'une seule pensée lui traversât l'esprit. Puis il sembla se réveiller; il se tourna vers l'animal, et remarqua qu'il était repoussant.
Avez-vous déjà vu ce à quoi un renne ressemble ? Ce n'est pas très beau, avouons-le. Mais celui-ci semblait être né avec des tares physiques affreuses, ce qui faisait que son œil droit louchait, que son oreille droite était toujours "branlante", et ce de façon ridicule. La patte blessée était également dénuée de tout poil en de nombreuses zones, ce qui en faisait quelque chose de plutôt risible. Le renne n'avait pas été gracié par la nature.
L'homme le regarda avec un petit sourire sarcastique; toujours doucement perturbé par l'évènement, il se mit à maugréer quelque chose, puis s'avança vers la créature.
Alors qu'il s'approchait, il repensa à bien des choses, à tous ces chiens borgnes, ces chats trop poilus, ces oiseaux bruyants, toutes ces bestioles qui, par leur apparence seule, montraient bien qu'ils voulaient faire du mal -et ils le faisaient : les griffes, les crocs, les becs lui faisaient encore mal. Il s'avança lentement pour ne pas prendre trop de risques.
Le renne ouvrit douloureusement les yeux et regarda, vide, la main s'avancer vers lui. Il était à terre, il était horriblement blessé, il semblait avoir du mal à respirer même, alors à se lever...
... et pourtant, l'homme fut absolument émerveillé, dans une surprise inégalée, lorsque, gentiment, l'animal, en voyant cette main qu'il avait immédiatement considérée comme amicale, souleva sa tête alors qu'il se forçait déjà à récupérer son oxygène, et lécha la blanche main.
L'homme ne bougea plus. Devant lui, une créature qui semblait mourante, une créature qui ne le connaissait pas, qui aurait donc dû le craindre, une bête humiliée et laide, un animal blessé, agissait encore avec une unique optique, avec un seul but : montrer son amour.
L'homme resta immobile longtemps, il ne sut pourquoi. Nous allons vous dire pourquoi : parce que quand les Hommes nous fuient, on aime toujours les animaux. Parce qu'il est facile de pousser un animal à nous montrer son affection. Parce que ce sont des créatures qui peuvent faire le mal, mais qu'il est très aisé de dresser pour les faire nous aimer. Et, devant lui, alors que cela faisait si longtemps déjà qu'il n'avait plus rencontré de bonne âme, il était aimé par une bête repoussante, laide, en piteux état, inconnue...
Quand l'homme se remit de l'évènement, il s'empressa -il s'empressa, étrangement, avec beaucoup de lenteur; parce qu'être pressé ne signifie pas aller vite, mais espérer parvenir à quelque chose à tout prix- de prendre l'animal dans ses bras. Alors il entendit... alors il entendit l'animal... ronronner ? Il ne savait pas, mais ce son, agréable et délicat, l'apaisa et lui fit un plaisir fou. Le renne, mordillant avec candeur et douceur ses cheveux, sembla l'enlacer à son tour...
... et ils s'endormirent ainsi.

L'homme se réveilla au bout de quelques heures. Il n'est pas facile de dormir dans les bras d'une bête aussi grosse que vous, surtout quand cela se passe dans une salle de bain au mur écroulé donnant sur un extérieur enneigé.
Il s'épousseta pour enlever cette neige, justement, et se tourna vers le renne. Il se souvint alors de ce qui s'était passé la veille, et se mit à sourire. Il caressa doucement l'oreille du renne.
Il était mort. Le renne était mort pendant son sommeil, alors que l'homme l'avait dans ses bras.
La dernière chose que ce renne avait fait, ç'avait été aimer. Jusqu'à la fin de sa vie, il avait été affectueux. Jusqu'au bout, il avait tout fait juste pour supplier les gens de l'aimer en retour.
L'homme regarda l'animal sans vie. Il était recouvert de neige. Son poil, maintenant trempé, le rendait encore plus laid. Mais l'homme ressentit alors une bouffée de désespoir.
Comment ? Pourquoi ? Il ne connaissait pas cet animal. Il ne l'avait jamais vu. Il ne savait rien de lui, absolument rien.
Mais il l'avait aimé, et on ne commande pas son amour. On aime des gens sans savoir pourquoi, et... tant mieux, peut-être ?
Le renne était mort. Le renne était mort devant cet homme qui n'avait eu absolument personne. Et le renne avait été une créature qui avait, rien qu'un instant, comblé ce vide; et l'homme avait tendrement répondu avec un même amour à cet animal.
Et l'homme se mit à pleurer, à pleurer pour la mort d'un animal, pleurer pour un inconnu, pleurer pour quelqu'un dont il ignorait absolument tout.
Mais il pleurait parce qu'il aimait.

Les larmes étaient rapidement venues aux yeux de la petite fille, parce que les gens intelligents sont des gens sensibles, qui savent voir la tristesse dans une histoire. A la mort du renne, les larmes avaient coulé, et une fontaine s'était déversée sur ses joues.
- Je l'ai gardé avec moi. J'ai dormi avec cet animal pendant quelques jours, puis un matin, une lettre du Père Noël me signalait qu'il l'avait récupéré dans la nuit, et qu'il s'excusait pour les dégâts occasionnés. Ma salle de bain était réparée. Par magie. Mais il n'y avait qu'une seule vraie magie dans cette nuit. Celle que cet animal avait produite. Il était laid. Mais il m'avait aimé. Pour rien. Juste parce qu'il n'y avait aucune raison de ne pas m'aimer.
Il y a des gens qui veulent être célèbres. Il y a des gens qui veulent être riches, qui veulent réussir, qui veulent être forts. Moi, tout ce que j'ai été, depuis cette nuit, c'est un renne.
La petite fille laissa encore quelques larmes couler, et elle se mit à geindre doucement, enfouit son visage dans la poitrine de l'homme, et il l'enlaça, la laissa verser ces larmes d'amour, ces larmes de renne.

Écrit par John Craft
Il est dit qu'être heureux relève du Destin,
Lors que ce sont nos vœux qui dirigent nos soins !
Catégorie : Divers
Publié le 31/12/2010
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
Poème Précédent

Partager ce poème:

Twitter

Poème Suivant
Commentaires
Annonces Google
Posté le 02/01/2011 à 05:22:55
bouleversant et si beau,,, je relirai suvent ce merveilleux conte qui est aussi un poème je t"embrasse
flipote
Ajouter un Commentaire
Vous devez etre identifié pour pouvoir poster un message
Veuillez vous identifier en utilisant le formulaire ci-dessous, ou en creant un compte

S'identifier
Login :
Password :
Apparaitre dans la liste des connectés :

Mot de passe perdu ?

S'identifier

Login
Password
Etre visible
Mot de passe perdu

Rechercher un poème


recherche avancée

Tribune libre

28/03 12:26Yuba
En effet ...lol....le même message est reçu en mp pour moi.
28/03 11:48CRO-MAGNON
Super ! Icetea devient un site de rencontres ! Voir les commentaires reçus ce jour sur chaque poème déposé !
26/03 10:53Alphaesia
Merci Sarahg, bonne semaine à vous...
24/03 10:24Sarahg
Bonne semaine à venir à tous et toutes !
24/03 10:23Sarahg
"Quand le destin de quelqu'un s'accomplit, il faut sourire."
21/03 06:35Lys-Clea
Et Bonsoir cher Cro ! :)
21/03 05:16Altair
Ne jamais oublier que le printemps amène les troubles sociaux, braves gens!
20/03 01:20Sarahg
Que ce Printemps soit synonyme de vie et de bonheur !
18/03 03:47Sarahg
"Etre dans le présent est la condition de la paix intérieure."
18/03 03:46Sarahg
Belle semaine à tous !
13/03 08:39Bleuet_pensif
Bonne journée à tous !... :)
09/03 05:43Lys-Clea
Merci avec Retard, cher Sylvain .. Amitié !
08/03 02:52Capucine
Merci pour cette pensée pour toutes les femmes
08/03 12:00Yuba
Merci Sylvain ...bonne fête à toutes les Dames du site.
08/03 06:17romantique
EN CETTE JOURNEE BONNE FETE A TOUTES LES FEMMES POUR TOUT CE QU ELLES APPORTENT A NOS EXISTENCES ET AU MONDE !!...:)
01/03 11:11Chrysantheme
Il leur faut valider ce chef d'oeuvre d'écriture !
01/03 11:11Chrysantheme
C'est aujourd'hui que mon oeuvre passe en commission de lecture
29/02 12:20CRO-MAGNON
Tu peux écrire tous les jours et tu te reposes à chaque 29 février
29/02 10:15Chrysantheme
Et c'est mal parti
29/02 10:14Chrysantheme
si j'écris pas aujourd'hui je loupe le coche pour 4 ans

Qui est en ligne

  • Membres :
  • the boss
  • Et aussi :
  • 332 invités