Un navire file sur le fleuve furieux,
Traîné par les courants, poussé par les forts vents.
Il n'y en a plus guère d'ancre ou de timon…
Où Fleuve était rivière ils gisent à l'abandon,
Des eaux clairs familières ils gisent tout au fond,
Aux pieds des temps, naguère, ils deviennent limon.
Vers l'avant ? Vers l'arrière ? Qu'il était beau l'amont…
De ce bord mortuaire, une seule vision :
En un vil gris la terre avec l'eau se confond ;
Même l'air, délétère, en cette teinte fond.
Chaque regard se perd dans le même horizon
Le corps est ceint d'un suaire, l'âme en dissolution.
Sur les eaux troubles, il erre, cherchant une direction.
Mais, las, pas de repère, pas d'indication…
Se moquent de son enfer même les Cieux profonds :
Déloyal, l'Arcifère remplace le Scorpion.
Le lieu est un mystère, une interrogation.
L'été après l'hiver ; en avril les moissons ;
La lune astre solaire ; le soleil infécond…
Le Temps, thuriféraire, se joue de sa raison.
Le Temps est salutaire ? Ce n'est qu'une illusion !
Il fige ou accélère : Chronos est moribond.
Dieu(x), Nature, Vie amère, phantasmes et déceptions !
Vos cadeaux pestifères, ces sottes désillusions,
Il n'en n'a plus que faire mais subit ces affronts.
Son mât vouvoie les airs, sa quille racle le fond.
Les deux genoux à terre, j'ai incliné le front.
Et l'esquif plus très fier est devenu ponton…
Son nouvel univers lui donne l'impression
D'enfin finir sa guerre, de vaincre ses démons.
Oasis salutaire ou son propre pardon ?
Je sens ce Finistère devenir ma prison
Au bord de l'estuaire, parmi les alluvions,
Le calme salutaire pour seul compagnon,
Le bateau - qui n'est plus guère jouet des tourbillons -
Ressuscite, solitaire, renaît aux illusions.
Un seul genou à terre, je lève le front
La Nature a su faire les réparations :
L'écume a recouvert tous les trous dans le pont ;
Même les cales s'aèrent, sainte bénédiction !
Ses voiles tutoient les airs, sa quille quitte le fond.
Mes pieds s'arrachent de terre, maintenant je fais front.
Plus loin s'étend la Mer et plus loin l'horizon.
N'y sont pas moins sévères tempêtes, grains ou grêlons.
Mais un hardi corsaire remplace le moussaillon
Qui, d'une main de fer, indique la direction.
J'ai craint le mal de mer ? Au large, Ondine, allons !
Jonathan Fouque
2012
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J'ai écrit un premier jet super rapidement et ensuite j'ai "galéré" un (long) petit moment pour le finir. | |
Jon |
Cela arrive souvent : le ou les premiers vers nous sont donnés : inspiration et ensuite travaille artisan rabote, menuisier, transpiration ! tu nous offres un beau voyage, j'y respire une vivifiante odeur iodée. | |
flipote |
Merci flipote, travail, rabotage et transpiration : c'est exactement cela ! | |
Jon |