Ce soir, mon frère est mort, oui, il est mort,
Pas mon frère, non, j'parle de mon « frère »,
Celui qu'a été reprit par le sort
Après toutes ces années de calvaire
Pas frères de parenté, frères de sang :
Un jour, j'ai pris le canif de papa,
On s'est ouvert les mains à rien qu'sept ans,
Dans l'ignorance, sans peur du SIDA.
Non-unis dans la consanguinité –
Jamais ce ne sera sur les écrits –,
On s'est rejoint sur les affinités,
Comme deux inséparables amis.
Te rappelles-tu du secondaire,
Du premier jour, du haut d'nos 5 pieds deux?
L'futur n'existait pas, ni l'éphémère
Quand on était jeunes et insoucieux.
Te rappelles-tu les soirées au feu d'camp,
Avec les amis, les cigares, les bières?
On grandissait, mais on restait enfants,
Toujours tell'ment saouls qu'on en était fiers.
Te rappelles-tu, des premiers jeux d'yeux,
Et de quand tes lèvres ont touché les siennes
De vos tout premiers ébats amoureux,
De dix-sept ans plus tard, quand elle fut tienne?
C'tait l'pays d'la belle vie, les eighties
Là où les gens, tous se connaissent et s'aiment,
Là où on s'fout d'tout, on est des hippies,
Là où l'monde est un conte de bohèmes.
Fûmer l'LSD c'tait encore cool :
Consommez, vous deviendrez des gros bras;
Les foules c'tait encore des vrais foules,
Où chacun s'défaisait de ses tracas.
Les homosexuels étaient bizarres,
On aspirait sans cesse à l'intégrisme;
Les hermaphrodites amenaient dédain,
Étaient des martiens un peu trop humains.
La musique, c'tait de la vraie musique :
Sont nés les instrumentistes aux doigts d'fée
Dans ces années prospères et idylliques
Qui nous font aujourd'hui r'gretter l'passé.
Te souviens-tu, mon frère, de c't'époque?
Au paradis, gardons-nous nos souv'nirs?
Tu m'rappelles qu'j'deviens une pauvre loque,
Qu'j'aurais voulu t'revoir avant de mourir.
On s'reverra au Ciel, me dirais-tu?
Non, car moi, c'est qu'j'irai en Enfer,
Pour toutes mes erreurs et mes bévues,
Pour la merde que j'ai semée sur terre,
Pour avoir emmerdé la religion,
Pour avoir juré devant des églises,
Pour avoir traité le Pap' de vieux con,
Pour avoir dit qu'il n'était que « disease »,
Et pourtant, j'ose encore y croire, oui,
Comm' si c'tait malsain de ne pas le faire;
J'hurle « Vive Dieu » comme une groupie,
J'vais à la messe exprimer ma misère,
Et j'raconte à moi-même à quel point,
J'me sens seul, inutile et sans espoir,
D'puis qu't'es plus là pour être mon appoint,
‘Peu comm' les vingt cents aux cinq dollars.
Le temps avance, mais j'garde mes mémoires,
J'n'oublie pas que le mal était tentant,
Qu'la conformité était dérisoire,
Qu'vivre ne vaut pas toujours son pesant.
Et, en dépit de tout, je garde aussi
Les merveilleux moments passés ensemble,
A'c mon frère d'toujours, et mon ami,
Dont tout ce qu'il reste ce sont les cendres.
J'n'suis pas très éclairé, ni très malin,
Mais j'le suis assez pour très bien savoir,
Qu'on se reverra au bout des chemins,
Que'qu' part entre le décès la gloire.
Oui, le temps passe, et oui, il avance,
On oublie souvent les individus,
Mais y'a des blessures qui ne se pansent,
Et jamais on n'oublie c'qu'ils sont dev'nus...
R.I.P
Écrit par Louis-palmer
LA ROUE TOURNE
Catégorie : Triste
Publié le 29/03/2010
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très beau poème, qui m'a énormément plu ! bravo, l'ami | |
flipote |