Avant. Arrière. Avant. Arrière. Je regarde la mer qui se balance.
Avant. Arrière. Avant. Arrière. Et cela recommence. Avant. Arrière. Avant. Arrière. C'est un éternel mouvement que rien n'arrête. Ni le sable, grains sur la grève, ni la digue, vain rempart. L'eau se joue de ces pitoyables tentatives.
Rien ne stoppe la mer, cette déferlante millénaire qui, au gré des flots, efface ou révèle ses abysses. Les grains de sables hurlent face à cette implacable évidence. Impossible de garder un endroit sec, les flots gagnent toujours et peut-être que dans cent ans, peut-être que dans mille ans, ce bastion, fièrement bâti dans du granit, s'effacera goutte à goutte. Évanescence.
Avant. Arrière. Avant. Arrière. Le temps fuit entre mes poings fermés qui ne conservent que quelques larmes éparses. Vaine espérance que de les retenir. Le temps file toujours et moi je me retourne et regarde la grève, rongée par la rouille, recouverte par un manteau de fumée. Tout disparaît sous son opacité et cette évidence m'entraine de plus en plus loin dans les terres. Un arrêt, un souffle, et je contemple mon existence, autrefois vive et brillante, qui s'évanouit dans la brume. Je ne peux qu'avancer.
Un pas, puis l'autre, l'eau est à mes trousses, grondement menaçant d'une bête affamée. Parfois, le voile grisâtre se lève et je peux alors voir quelques îles éparses, vestiges d'une époque révolue, disparaître à leur tour. La mer a toujours faim.
J'avance. Je recule. Avant. Arrière. Avant. Arrière. Devant me semble terrifiant, derrière me désespère. Je piétine, je crie, me lamente, mais la marée me rattrape. C'est une fuite en avant, une course contre le temps. Le vent souffle et pousse le brouillard vers mes vains espoirs. Oui, j'espère la mer disparue, je rêve mes colonies rendues, je pleure mes souvenirs perdus.
Le temps se moque de moi. Toute résistance est inutile dit-il. La fin est proche, chaque pas t'y rapproche. C'est pourquoi je ne marche pas, je cours. Je cours vers cette fin inéluctable. Mourir oui, c'est obligatoire, car vivre est sans espoir.
Cependant tant de choses me font apprécier l'instant : un sourire, un visage, un éclat. Personne ne peut arrêter le temps, mais on peut capturer un moment, le boire jusqu'à la lie pour oublier la fin. Savourer, apprécier l'instant, s'en enivrer, se complaire dans le bonheur, se perdre dans le malheur. Le temps s'enfuit, mais moi, je vis à côté de lui. Chaque moment est un paradis car je suis en vie et j'avance.
Avant. Arrière. Avant. Arrière. C'est la mer qui s'en balance.
Écrit par Voyage au Bout de la Nuit
Lorsqu’un enfant rit, un autre pleure.
Lorsqu’une étoile naît, une autre meurt. Catégorie : Triste
Publié le 05/05/2017
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Un texte profond, un beau poème en prose qui nous emmène sur des chemins détournés. Vous avez bien du talent. | |
jacou |
Merci Jacou pour ton commentaire! Talent peut être pas... Mais merci pour ces mots | |
Voyage au Bout de la Nuit |
J'adore le rappel du début à la fin! "Je regarde la mer qui se balance." "C'est la mer qui s'en balance." | |
Drine |
Merci Drine! J'avoue avoir hésité à finir de facon aussi peu soutenue mais ma grande gueule a eu gain de cause!^^ | |
Voyage au Bout de la Nuit |
Il y a beaucoup de tristesse et de désinvolture dans ce texte...La tristesse et la beauté prédominent, et l'idée qu'il faut profiter de l'instant présent dans ce monde en perpétuel mouvement est constante. Néanmoins une note d'espoir réside...C'est magnifique, je ne peux soustraire à mes yeux de verser une larme. | |
coolwater |
Nooooon!!!! Ne pleure pas! C'est pas le but! | |
Voyage au Bout de la Nuit |
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