Ceux dont le doigt est couvert d'acide
Du bonbon qu'ils viennent de sucer
Ceux pour qui contempler les rides
De l'eau est l'art préféré
Ceux qui ne craignent pas de se salir
Mais qui redoutent qu'un crayon se casse
Ceux qui même en ayant su lire
Changent les syllabes de places
Je les envie et les admire
Et les incite à savourer, et à en jouir

Ceux qui se tachent de farine
Et la hument un quart d'heure après
Ceux qui croient qu'un poème est rime
Majuscule et nombre de pieds
Ceux qui imaginent et dessinent
Et frissonnent au son de la craie
Ceux qui clament les âmes intimes
Et annotent les cours de leurs cahiers
Je les envie et les admire
Et je n'ai rien à leur révéler, et rien à leur dire

Ceux qui prêteraient tous ce qu'ils possèdent
Et trouvent les refus normaux
Ceux qui promettent et qui cèdent
Qui se ravisent, si le propos est faux
Qui lisent, ne lisent pas les journaux
Qui le croient puisque c'est écrit
Mais peuvent comprendre l'erreur
Qui savent ce qu'ils ont appris
Et sont surpris par les menteurs

Et voient un monde généreux
Trouvent le moindre mot affreux
Et l'injustice intolérable
Ces insouciants, je les admire
Monde odieux soit compréhensif
Est-ce à moi, face à l'insouciance, de leur en sortir?