Dédié à tous mais spécialement à John Craft, notre talentueux "fablier".
Cette fable d'un poète disparu que j'ai bien connu mais dont tout le monde ignore le talent poétique !
Un vieux clown, ayant beaucoup fait rire les gens,
Puis un peu moins, et puis plus guère,
Se rendit compte un jour - hélas pauvre clown blanc !
Qu'il n'amusait plus le parterre.
Le public, on le sait, n'est guère charitable,
Cela s'est dit en mainte fable;
Bref, à la fin, il lui fallut
Rendre son bel habit et son chapeau pointu.
-"Le Ciel, se disait-il, ne peut donc rien pour moi ?"
Triste et las, il s'en fut néanmoins par la ville
En quête d'un emploi
Moins difficile.
Il avait sachez-le, un vieux talent secret;
Un don, plutôt. De naissance ? il paraît.
En tout cas un atout qui, pour un vieil artiste,
Permettait de paraître encor sur une piste.
Par chance, un nouveau cirque arrive un beau matin
Sur la grand-place, où l'on dresse une tente.
Notre bonhomme se présente,
Bien poliment, le chapeau à la main.
Le directeur, un homme assez rude en affaires,
Parlant fort et fumant, le considère et dit :
"-Mon ami,
Avant tout, que savez-vous faire ?
-Voilà, dit le vieux clown, j'imite les oiseaux...
-Vous vous moquez, s'écrie l'imposant personnage,
Imiter les oiseaux ? Mais c'est un numéro
Usé jusqu'à la corde et bon pour un autre âge !"
Le pauvre quémandeur insiste, dit encor
Que son imitation
Est une perfection.
Rien n'y fait : le butor,
Pour rompre l'entretien lui désigne la porte
Et le congédie à voix forte.
-"Calmez-vous, je m'en vais, dit le vieux, interdit;
Il reprend son chapeau, il salue, il sourit,
Puis, sans dire une autre parole,
Ouvre là fenêtre et s'envole.
Maurice Péronet
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