Je suis née dans une tanière en plein hiver
Au fond d'un gouffre mêlé de soufre
Il n'y avait pas d'homme ce jour-là
Les pieds liés, les mains serrées
Mon père était recroquevillé

J'ai grandi dans une chaumière, près d'une volière
Les yeux au ciel, les poings levés
En effrontée je l'ai toisé
Elle me plaît pas l'autorité
J'ai même pas peur ne t'approche pas

J'ai avancé en robe de fée
Auprès d'un jeune échevelé
Pas très malin un peu timbré
J'ai préféré m'barricader
M'enguirlander, me rassurer
Entre les chaînes de mes regrets

J'ai rencontré un prisonnier
Comme moi il était verrouillé
On s'est compris sans le savoir
De toute façon les clés on les avait jetées
Sur un trottoir tout près d'un bar

Et j'ai erré en esseulée
Avec le froid et puis la faim
Avec l'angoisse et la tristesse
Le vide le manque et la détresse

Mais un matin dans un détour
Sans le vouloir au petit jour
Voilà qu'un homme me l'a ramenée, cette belle clé
Un petit homme, mon bout d'amour
Sorti de moi né de ma chair
Elle brillait dans ses grands yeux clairs

Homme qui passe je te le dis
La vie sans toi c'est pas permis
Tu as tes coups tu as tes maux
Tu as tes bleus et tes couteaux
tu as tes poings tu as tes cris
mais j'ai les mêmes je te le dis

j'ai essayé depuis toujours de faire sans toi
de te bannir de t'exiler de te honnir de t'exécrer
mais c'est si simple je le sais
pardonne moi je suis blessée
approche toi apaise moi
regarde moi abandonne toi

homme qui passe je te le dis
la vie sans toi c'est pas permis
tu as tes pleurs tu as tes peurs
tu es douceur parfois pudeur
tu es un chant je suis un hymne
nous sommes les mêmes je te le dis

et je crois bien avoir compris
en vérité j'ai ressenti
tout simplement au fond de moi
en plein émoi
que c'est de toi dont je m'ennuie
et qu'avec toi je suis en vie