Hölderlin suit le cours d'une jeune eau de roche
D'un torrent de montagne écoulant sa descente
Il ignore être au paradis, et il s'approche
Pensant ainsi rentrer au détour d'une sente

Cette sente étroite où Dante éprouva le fauve
Ayant eu Virgile lorsque Rome était jeune
Ce chemin perdition pour celui qui se sauve
En quête de l'Enfer où Satan fait son jeûne

Baudelaire approuve l'inopinée rencontre
Il tient par le col Verlaine éméché des herbes
Bues, la camomille est si forte à son encontre
Ce bain d'alcool l'a fait saoul tel un homme imberbe

Rimbaud est agacé par ces aînés diserts
Il est le plus jeune en cette compagnie folle
Et reste interdit comme il était au désert
Aden, Harrar sont lieux où nul ne batifole !

Trakl se sent affreux ainsi et l'être le plus vil
Celan décèle en lui ce bel Allemand pur
Voudraient-ils n'être point compris des gens civils ?
Mais le Paradis toute langue et compte apure

Rilke lutte contre un ange pour lui terrible
Mais rit enfin du sort à lui échu naguère
Annonçant le crime et la mort incoercible
De sa civilisation vouée à la guerre

Poètes paraissant bien ivres de paresses ! !
Hölderlin s'est cru fou, mais ses yeux se dessillent
Que sa Suzanne aimée jamais ne disparaisse !
Le poème sauve un monde où chacun vacille

Shakespeare et Keats, Blake et Dickinson marmonnent
La meute effarée déboule à flanc de montagne
L'eau des jeunes roches sur la pente s'étonne
Son léger tintement éveille et m'accompagne

Le rêve a pris fin comme incendie de brindilles
Consumant dans l'instant son feu qui étincelle
Je descends vite auprès de la troublante fille
Elle est ma vie, poème rêvé pour icelle !