Ne serais-tu que l'ombre au fond de la clairière
De quelque arbre planté dans ces lieux pour parure
Le chêne superbe qu'a peint Friedrich hier
Au milieu du vide sidéral, et qui dure…

Serais-tu la sœur muette que le couvent cueille
Par dédain de tes jours, sentant dans cette errance
Sourdre la révoltée ouvrant la porte d'accueil
Au monstre qui tuera dans ton corps l'espérance…

Es-tu la plus reniée des esclaves rivières
Bordant tes ondes aux berges à foules grises
Où l'automne a posé foulard sur tes paupières
De la brume liquide où ton cours se divise ?...

Tu es ! Tu es la vie que le torrent propulse
Aux éclats des rocs en écho dans les vallées
Le long de sa pente sous les rais d'or qui pulsent
D'énergie en poussière un cosmos dévalé,

Descendu de son ciel vers la montagne naine
Où fleurit l'edelweiss, fleur de neige, éternel
Témoignage de la nature souveraine
Jusqu'en ces lieux sacrés où se dresse, rebelle,

L'homme, où un Friedrich peint le naturel humain
Beau, ma sœur, de gravir jusqu'où le souffle manque
La plus haute chaîne, se gardant pour demain
Les étoiles sondées, d'astronef, qui nous flanquent !

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Voyageur_contemplant_une_mer_de_nuages