Le soir a saigné au ciel dans des soieries mauves
Fleurs déchirées par les griffes de destins fauves
Il songe à mourir et puis tremble et prie en pleurs
Ce Dieu puissant assis sur un trône ivoirin
Dont le règne des pluies ameublit les terrains,
Pissant sans s'épuiser l'eau déversant des Rhins

Son épaule à la goutte épanchée tendre douche
Reçoit ce baume ami de la peau qu'elle touche
Avec sa fluidité dont la pente éternelle,
Versant sur lui avec des gestes de servante
Les gouttes de la pluie pure en alliée fervente,
Attend les flots venant des nuages du ciel

Édredon nuageux vos repos sont étranges
Vos tissus sont mailles aux doigts agiles d'anges
L'argile des hommes voudrait l'échange habile
De la fragile étoffe à l'aspect de ces franges
Qui vous vêtent quand l'essor d'ailes vous dérange
Et qu'un silence est arpégé du Ciel mobile

Voulus des dieux pour de grands sacrifices d'hommes
Il est des lieux totems comme un chemin de Somme
Nommés de ces Dames condamnant toutes guerres
Lorsqu'une arme a parlé il perle une larme à l'œil
Puis éclatent les cris désespérants de deuils
Échos des temps des fleuves des morts de naguère

Le soldat nu reçoit la pluie qui tombe en averse
Dans ses mains en corbeille il voit un ru qui verse
Dressé dans la boue de la tranchée, l'infernale
Nuit tend au Jour son éprouvante agonie d'ombres
Fantômes appelées aux combats les plus sombre
Où râle en rat qui meurt de la haine animale

C'est la nuit si troublante où le bain se termine
Pour ce jeune officier sachant où sont les mines
Et qu'au matin l'assaut sera donné sans trêves,
Alors il ira au contact d'un ennemi
L'ami l'ennemi dispersant ses os parmi
Les boues sous cette pluie quand Dieu l'abîme rêve

Je dédie ce poème à tous les soldats de toutes les guerres de tous les temps en tous lieux. Qu'ils reposent en Paix.