Celui qui faisait chanter le feuillage n'est plus de ce monde, non, ici le vent a déserté depuis longtemps. Il s'est enfui. Il n'y a pas de loi ici, seul le plus fort persiste. Rien que la nature et ses droits, elle seule et moi. Les jours sont tristes, les pluies sont aussi longues que mes pleurs, les larmes coulent durant des jours entiers. Dans cette maudite jungle, les arbres sont habitat, mais ils sont aussi d'immenses pièges mortels ; les plantes ne sont qu'une maigre nourriture, mais c'est tout ce que je peux avoir. Les journées sont hostiles et rudes, mais les nuits le sont encore plus. Bien qu'ici il n'y ait pas de pollution, ni de jalousie ou de haine, ce n'est pas un paradis, ce n'est même pas un havre de paix. C'est un endroit de verdure luxuriante et de dangers, là ou personne n'est jamais allé, puisqu'il n'y a rien… rien que moi et mère nature.

Voilà plusieurs années que je suis ici, que je marche, plus ou moins quelque part, enfin dans la jungle… satanée jungle même… dans ma longue marche, un soir particulier, une nuit de tristesse qui changera tout. Oui je me souviens de cette nuit là… j'aime à me la rappeler.

Il faisait très sombre, l'air était pesant comme si un orage allait éclater, oui, comme si quelque chose de grave allait arriver. Cette ambiance oppressante me tenaillait fortement, et la crainte s'installait quelque peu en moi. Comme à mon habitude, lorsque les pensées de douleurs et les peurs s'immisçaient en moi, je prenais un livre. Plus qu'un livre pour moi, c'est ma seule réalité de civilisation, cette œuvre de poche retraçant la deuxième guerre mondiale. Une guerre certes, mais aussi une histoire d'amour, qui à travers les bombes brûlait de passion. Ces pages sont pour moi, les seuls restes humains qui me ramènent à la réalité. Malgré la lecture de ce livre qui n'a pour moi plus aucun secret, les inquiétudes me guettaient et s'approchaient de plus en plus. Ce sentiment grandissait peu à peu, me faisait frissonner de tout mon être. Je me rendis compte que cette nuit s'était vêtue de noir, car il n'y avait plus cette orpheline, celle qui portait ces plumes d'argents, ces ailes de lumières, celle la même que l'on appelait Lune, l'argenté céleste. Elle n'est plus, tout comme le vent, elle s'était en aller, m'a abandonné. Chaque fois que le soleil se cache à l'ombre des arbres, à l'abris de mon regard, elle venait apaiser ma solitude, et veiller sur moi de sa vision protectrice. J'étais seul, là assis sur un rocher friable comme moi, j'étais là, solitaire. Je n'avais plus que ce livre comme dernier espoir, je le serrais contre moi, en espérant que le jour se lèverai enfin.
L'angoisse me prenait, ce n'était plus des frissons, j'étais complètement tétanisé, je n'arrivais plus à bouger, même ma respiration était fortement altérée par les ombres qui me menaçaient de leurs regards. Dans cette triste nuit, les cauchemars se faisaient réel, les ombres ne lâchaient pas leurs étreintes sur moi, à chaque bruit, je me recroquevillais de plus en plus jusqu'à n'en plus pouvoir. Je sentais ce sentiment prendre complètement part de moi, non, ce ne peut être un sentiment, c'est une présence, cette peur qui s'était emparée de mon corps ne voulait plus me lâcher. J'étais seul avec cet effroi, le cœur battant, assis, la tête dans les genoux, les bras pour me protéger. Je me rappelle encore de mes pensées :
« là… voilà… chut… reste calme, si je reste dans cette position rien ne pourra m'arriver, là… je suis en sécurité ».

Je pensais rester toute la nuit dans cette position, jusqu'à ce que l'astre d'or vienne me sauver au petit matin. C'était une belle illusion… quelques secondes après m'être dit en sécurité, j'entendis une branche craquer puis tombée lourdement sur le sol. C'est à ce moment précis que les larmes se sont misent à couler d'elles même, il ne suffit que quelques instants pour que mon visage ne soit complètement inondé de mes pleurs. Je sentais quelque chose derrière moi, je ne la sentais pas physiquement mais je la sentais, là derrière moi…qui est-ce ? la peur venant prendre ma vie ? est-ce que je vais survivre à ces heures de tortures ?
Tant de question auquelle je ne pouvais répondre, auquelle je ne voulais pas répondre.
Une nouvelle branche qui tombait sur le sol, puis une autre et encore une autre, un déluge de branches entières qui tombaient, et se brisaient. Je repensais à cette impression que j'avais eu au début de cette nuit, comme si quelque chose de grave allait arriver, oui, je crois que maintenant je peux dire que c'est arrivé… Un bruit déchirant, un bruit d'arrachement vint interrompre et suspendre mes pensées absurdes. Un immense arbre tombait à terre, lui qui venait de perdre ces branches, s'écrase au sol. Dès qu'il toucha terre, il se passa seulement un quart de seconde pour que je me lève et que je prenne mes jambes à mon cou. Je m'enfuis au hasard de la forêt, frôlant toutes les ombres, quelque part au milieu des bruits. Je courais sans cesse, mais les tourments continuaient à envahire mon esprit, comme si les démons et les flammes consumaient mon âme.

Je ne me rappelle plus exactement combien de temps j'ai couru comme ça, mais ma course fut stoppée par un chant mélodieux, un doux son à mon ouïe, enfin quelque chose d'agréable… doucement je repris une marche ardue. Je me battais contre les lianes et les ronces, à main nue je me frayais un chemin pour trouver cet havre au doux son de paix. Au bout de nombreux efforts et de blessures aux mains, j'arrivais à cet endroit de merveille, cet endroit où rien ne semblait vouloir me nuire. Il y avait une petite cascade, toute douce, quelques fougères l'arborant d'une couronne, un arbre à fleurs blanches sur un îlot, comme un roi sur son trône. Tout autour, quelques rochers sculptés par l'union du temps et de l'eau, de jeunes arbres et des fleurs brillant de bleu. Je m'asseyais ici, je serrais toujours l'unique preuve d'un passé de civilisation contre mon cœur, ce livre auquel je tiens tant. Ici j'étais mieux, je sentais moins cette présence, mais elle était toujours en moi, cette peur qui me tourmentait. Mes larmes tombaient toujours, la brume que l'eau laissait libre caressait mon visage, comme pour l'apaiser de ses pleurs. Le chant aqueux effleurait mes pensées et les calmaient. La paix entamait la guerre en mon intérieur, chassait mes tourments et mes chimères, soulageait mon esprit et flirtait avec mon âme.
Malgré tous ces bienfaits, je restais triste et apeuré, triste et solitaire, je repensais à cette nuit toute vêtue de noir, où l'astre nocturne m'avait abandonnée, où même ma vie semblait perdue dans une tempête interminable. Je ne savais pas pourquoi elle m'avait laissé, elle qui m'avait toujours accompagné, celle qui était pour moi la seule présence de bonheur dans cette jungle si hostile… pourquoi… J'avais l'impression que cet endroit pouvait lire en moi, lorsque je pensais à celle qui m'était si chère, ma belle argentée céleste.. les fleurs blanches de l'arbre sous lequel je me tenais assis tombaient, paisiblement au sol, comme si il avait entendu ma complainte, comme si il m'offrait ce qui lui était cher pour me consoler de mes pensées. Parmi ces fleurs qui tombaient, se joint une plume, légère, fine, blanche
aux reflets d'argent, doucement, sur mon épaule s'était déposée. Cette plume, une larme de cette petite fille astrale, celle qui chaque nuit était à mes côtés ? Je ne pus continuer de penser, de réfléchir, une pluie s'abattait sur moi, une pluie de caresse infinie. Des plumes par milliers tombaient autour de moi, s'unissant au doux parfum des fleurs de l'arbre roi. Mon esprit subjugué par ce dessin si magnifique, je n'osais bouger, c'était si doux, si beau, tellement bon… je n'osais à peine y croire… La douceur s'alliait au parfum dans une valse de beauté. J'espérais que jamais ne se finisse cet instant si magique, non jamais, que je puisse contempler la beauté en personne pour l'éternité. Toutes ces courbes blanches et ces étoiles dansant dans un même corps, donnant naissance d'un éclat de pureté. Des rayons d'une splendeur, les larmes m'en coulaient, mon cœur en battait, tellement fort… cette lumière, devint peu à peu la courbes de deux jambes fines, d'un corps si beau que la terre ne pourrait la porter, d'un visage si magnifique que l'existence ne pourrait achever. Cette femme, cette nymphe, miroir de beauté et de charme, couvert d'un drapé blanc, portée par deux douces ailes, mère de caresses. Mon souffle en était coupé, je ne pouvais plus parler, je n'arrivais pas à réaliser, mais maintenant je sais, je sais que de cette nuit là, de l'ombre est apparu la lumière, de la tristesse est née l'espoir, de la folie la sagesse et de la mort, l'amour.
Le temps s'est arrêté, juste un moment, un instant où je ne savais pas, où je ne savais plus… aucuns mots de venaient à mon esprit blessé, aucun geste ne pouvait émaner de mon corps, aucunes pensées de mon âme. J'étais là assis, et je contemplais l'infini perfection de son visage, la grâce de ses ailes, la magnificence de cet ange. Son sourire était doux et pur, son regard à la fois rayonnant et humble. Les mots ne pourraient décrire une telle femme. Un seul pourrait effleurer ce que j'éprouvais : l'Amour. Le temps n'était plus, il n'existait plus, il s'était enfui, où je ne sais pas, plus ici, loin d'ici. L'ange vint à me prendre dans ses bras, sans un mot, juste son sourire illuminant mon cœur assombri par la tristesse. Comme si ses bras étaient un univers de beauté et de tendresse, comme si je n'étais plus de ce monde, comme si un sentiment avait touché mon cœur. L'amour a touché mon cœur…je m'endormis dans ces bras, la tête posée sur son sein, les yeux clos, la douceur de ses mains sur mon visage. Là dans cette sombre nuit, l'orpheline m'a rejoint, j'étais, calme apaisé, calme et amoureux. Oh non je ne voulais pas dormir, je ne voulais qu'elle, qu'elle et que le temps ne revienne plus jamais. Contre ma volonté, je me sentais partir, là où mon esprit serait en paix, là où l'harmonie entre mon âme et mon existence serait à l'égale de sa beauté. Doucement, je m'endormais…
A mon réveil, j'espérais voir son être empli de charme et de tendresse, mais je fus seul, toutes les plumes avaient disparu. Il faisait nuit, mais l'aube, la couronne dorée chassait les étoiles une à une, le puissant soleil reprenait son règne sur le jour et sur le monde. Le temps était revenu de si loin, il avait repris sa place en maître, je n'avais plus qu'à le suivre. A la vue de l'astre rougeoyant, je n'avais plus peur, je n'étais plus vraiment triste. J'avais seulement besoin d'elle, juste la revoir pour l'éternité d'un instant. Croiser à nouveau son regard, à nouveau voir son sourire, besoin de la revoir, elle, miroir d'amour et de beauté.
Depuis j'erre, de jour en jour dans cette maudite jungle, satanée jungle même… j'erre accompagné de ce souvenir, de ces pensées, elle marche à mes côté. Voilà plusieurs années que je suis ici, que je marche, plus ou moins quelque part, où chaque nuit j'espère la revoir… moi qui n'ai que la lune et les étoiles, qui n'ai que les jours et les nuits, l'espoir et la solitude. Moi qui n'ai que pour reste de vie en société ce livre de guerre, je ne demande qu'une chose, aller là ou il y a la guerre, là ou il y a la haine, parce que là-bas il y a l'amour. Là-bas, parce-qu'elle n'est plus ici…

Fin.

larme de vie, 27.06.08

Écrit par larme de vie
Il est l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin.
Catégorie : Triste
Publié le 31/08/2008
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 31/08/2008 à 22:27:53
la lecture fut longue... mais au combien plaisante...
bravo
P'tit Max
Posté le 31/08/2008 à 22:33:24
et moi qui pensais que personne n'aurait la force d'aller jusqu'au bout lol, ça me fait plaisir p"tit max ! grandement merci à toi !
larme de vie
Posté le 31/08/2008 à 22:56:34
il y a de l'amour partout pas besoin d'allez a la guerre...il y assez de bataille ici^^ elle fut longue en effet mais si elle ne m'aurait pas plus je ne l'aurais pas fini...bravo à toi^!!
mi ange mi demon
Posté le 31/08/2008 à 22:57:56
merci a toi ptite soeur ! merci bcp de l'avoir lu jusqu'au bout !
larme de vie
Posté le 31/08/2008 à 23:19:20
Il faut du courage pour lire ton poème...mais on arrive au bout tout de même !
Joli poème.
Ange de Lumière
Posté le 31/08/2008 à 23:24:22
lol c'est plus une nouvelle qu'un poème en faite... mais j'espère qu'il t'a plu malgré que ça soit une torture d'arriver jusqu'ici lol
larme de vie
Posté le 31/08/2008 à 23:32:19
bonsoir larme de vie,

l'histoire est bien "tissée" donc pas de problème, pour aller jusqu'au bout, l'on te suit mot à mot ...

à très bientôt
Posté le 31/08/2008 à 23:54:30
merci a toi mareange, ta lecture me touche beaucoup !
larme de vie
Posté le 01/09/2008 à 09:23:53
Il est vrai que quand on voit la longueur de ton texte on se demande si on va arriver jusqu'au bout mais lorsque l'on entame la lecture on se laisse emporter.
Magnifique écrit.
pichounne
Posté le 01/09/2008 à 09:42:40
merci de ta présence pichounne !
larme de vie
Posté le 22/10/2008 à 14:39:18
Très beau texte, vraiment.
Sylvain
Posté le 22/10/2008 à 14:45:08
tu as eu le courage de lire ce pavé ? merci beaucoup
larme de vie
Posté le 22/10/2008 à 14:45:56
Lol hé oui, ça faisait pas mal de temps que j' avais négligé tes poèmes alors je me suis décidé à combler ce retard !
Sylvain
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