Je suis traître et trahi. Jésus, Judas, en une vie.
Trahi.
Par des toujours devenus poussière. Des mots doux devenus amers. Un sourire éteint, un visage disparu, trop occupé à vivre ailleurs. Une trahison, déjà, difficile à loger. Mais c'en sont cent qu'il me faut décimer. Cent visages, cent, qui m'ont déserté, que ma mémoire peine à déloger. Je rumine dans la nuit, et la nuit s'étend au jour. Chaque mot, chaque geste ; une raison du rejet. Et jamais la réponse ne se fait entendre. Toujours je ressens la corde se tendre. Et décocher sur moi une flèche enflammée, piège d'amour ou d'amitié déclenché.
Traître.
Je suis un visage qui s'est enfui de plusieurs vies. Un poids à effacer dans des crânes dévastés. Et moi, oui, trop occupé à vivre ailleurs, je me fais figurant d'autres pièces, et abandonne celles qui me semblent imparfaites. Je suis l'objet de ces pensées acides, quand le soleil se fait lune, et l'existence putride. Sur le chemin qu'on me tendait, j'ai jeté l'ignorance. Face aux bonheurs qu'on dessinait, j'ai joué l'indifférence.
Condamné et bourreau.
L'arc que je bande est celui qui me vise. Tour de Pise écroulée ; la beauté d'une ruine, la laideur d'un ruiné. Constructeur fallacieux ; je détruis mes promesses. Architecte sans yeux ; on fracasse ma liesse. Je ne peux plaindre mon sort ; je suis mauvais sorcier. Et ceux-là que j'adore vengent mes délaissés. La lame transperce mon coeur écrasé. Sans décence je sens la mienne en déchirer.
Vide.
Un oeuf noir dont rien ne peut sortir. Les deux peines s'harmonisent en chuchotements odieux : je suis victime et misérable ; je suis tueur et méprisable. Combien de coeurs vais-je encore pourfendre ? Combien de carreaux semblent encore m'attendre ? Ressentir trop fort, c'est chuter de plus haut. Alors je joue au mort, pour déjouer mes idéaux.
Traître et trahi, la douleur se dédouble. Le souvenir des blessures, qu'elles soient siennes ou d'un.e autre, cache dans son sein la même plaie pourrie. Traître et trahi ; je te comprends, toi que je frappe. Car mon âme a encore la trace d'un métacarpe. Traître et trahi ; à la fois cible et fusil. Traître et trahi ; je pleure pour nous aujourd'hui.
Écrit par light and shadow
La citation est le refuge de ceux qui ne savent pas penser par eux même
Catégorie : Triste
Publié le 24/07/2017
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Bravo à vous ! Ces "vignettes" de belle poésie en prose imposent leur tempo serré où le bourreau/victime, avec élégance du dire, clame son passé. Je me retrouve dans certaines de vos formules efficaces. | |
jacou |
Je vous remercie, je suis heureux que cela vous touche, et que vous vous retrouviez dans certaines formules. La poésie est un partage, à mon sens, qui va au delà du simple fait de faire lire à d'autres le fruit de nos pensées et de notre plume. | |
light and shadow |
Ecrit original que j'ai bien apprécié. Style parfait... Basile |
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Basile |
Je vous remercie, content que vous ayez apprécié ce poème :) | |
light and shadow |