L'anglais, l'espagnol, et « l'argomuche » !
Dans les langues étrangères qu'il est bon de parler
Pour ne pas s'enfermer dans sa langue natale,
J'ai tâté de l'anglais, au collège Chaptal,
Oû jeune adolescent, je devais étudier
L'espagnol fût aussi offert à mon oreille,
Rétive, à tout le moins, à en saisir l'accent,
Au grand dam de mes profs, et aussi des parents,
Navrés que je persiste à bailler aux corneilles
Les années ont passé, et je dois confesser
Que dans les rudiments de ces apprentissages,
Oû seul le français me sauvait du naufrage,
Peu de réminiscences, hélas, ont submergé !
Par contre, en argomuche, qu'on jactait à l'époque,
A Paname, entre potes, oû je créchais alors,
J'entravais à merveille et sans le moindre effort,
Qu'un parapluie, eh oui, se disait un pébroque,
Des souliers : des tatanes, et pour un pantalon,
Rien ne valait un froc, un bénard, un falzar,
Une tête : une tronche, et des pieds, des panards,
Ma mère : une daronne, et mon dab, un daron,
En loucedé : discrètement, le boucher : louchebem,
Bavarder : jaspiner, chapeau : un galurin.
L'espagnol, en ces temps, était un espingouin,
Le caleçon, un calbard, je te kiffe, pour je t'aime,
Le ticket, un tickson, le p'tit coin, les cagoinces,
Tu me plais se disait, c'est pour toi que j'en pince.
Cet argot imagé, de titi parisien,
Malgré le temps passé, n'a pas pris une ride,
Audiard l'a magnifié, dans des films splendides
Oû Blier, Ventura, le bonissait si bien
Qu'une larme, incongrue, perle sous ma paupière,
Dans cette évocation, ce retour en arrière,
Pendant que je vivais, avenue de Saint-Ouen,
Dans un pauvre gourbi, dont je me souviens bien !